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Le procès Socrate (Irving Stone)

S'il s'agissait de montrer classiquement, banalement, combien les Athéniens ont été ignobles et fous de condamner le plus sage et le meilleur d'entre eux, ce livre n'aurait pas sa place ici. Mais justement Stone fait tout le contraire, il approuve la condamnation au moins morale de Socrate ! Folie ? Volonté de se singulariser à n'importe quel prix ? Pas forcément.

D'abord, il n'était pas tout-à-fait le premier. Karl Popper (vous savez, la falsifiabilité...) avait déjà fait de Platon le père spirituel, par Hegel interposé, d'Hitler et Staline (La société ouverte et ses ennemis, Seuil, 1979 pour la traduction française). Toutefois, Popper n'osait pas s'attaquer à Socrate, ce qui nuit d'ailleurs à sa démonstration. Stone va jusqu'au bout.

De quoi donc Socrate est-il accusé par Anytos, Mélétos, Lycon, et donc Stone ?

  • De rejeter en bloc la démocratie et tout débat public (d'où les diatribes contre la rhétorique, l'éloquence, élement essentiel de tout débat public, lui-même élément essentiel de toute démocratie),
  • de prôner un régime dictatorial, totalitaire avant la lettre (avec pensée unique obligatoire, militarisation à outrance, endoctrinement de la jeunesse), à la façon de Sparte dont il était un admirateur inconditionnel,
  • de pousser la jeunesse à la subversion anti-démocratique, car selon Stone on commet un grave contre-sens en traduisant le verbe grec "diaphtheirein" par "corrompre" (Popper avait déjà remarqué que les traductions modernes de la République édulcorent lourdement le caractère brutal et implacable du pouvoir préconisé),
  • surtout, d'avoir été le maître à penser des Trente, les sanguinaires tyrans imposés par Sparte victorieuse de la terrible Guerre du Pélopponèse, qui venaient d'être renversés (et dont Socrate s'était trop mollement désolidarisé).

Enfin, Stone ne respecte pas davantage la réputation de sagesse et de logique rigoureuse de Socrate puisqu'il commente ainsi une assertion du Théétète :

A ce non-sens stratosphérique [on ne peut faire de chaussure sans la lumière de la philosophie], n'importe quel Athénien cultivé aurait objecté cette évidence qu'un cordonnier n'a pas besoin d'être philosophe, et qu'un philosophe n'est pas forcément un bon cordonnier. 

Ce n'était qu'un survol. On peut consulter http://pagesperso-orange.fr/daruc/divers/socrate.htm (et bien sûr lire Stone).

Accessoirement, sur la question particulière des accusations religieuses : http://pagesperso-orange.fr/daruc/divers/athenes.htm

Odile Jacob, 1990 



12/06/2009
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