Questions pour un champion, arnaque ?
Ce qui suit devrait faire partie de mes Mémoires, si j'arrive à les finaliser un jour...
Il y a une trentaine d'années, dans mon entourage familial comme professionnel, on m’incitait à tenter l’émission Questions pour un champion. Si vous ne connaissez pas, le Net est votre ami. Et pourquoi pas ?
D’abord, les sélections. On se retrouve à une centaine de candidats et candidates dans une salle immense. Première batterie de quarante questions dans le style de l’émission. On se corrige mutuellement, à la bonne franquette. Les trois quarts des participants sont alors invités à repartir, avec toutes sortes de bonnes paroles consolatrices. Deuxième batterie de quarante questions selon les mêmes principes. Je m’applique encore. Surprise, on ne renvoie plus personne. Je comprendrai pourquoi plus tard. Suit un oral très rapide, manifestement pour filtrer les personnalités problématiques. Il y en a fort peu, et en tout cas pas moi. Il reste à attendre.
Deux ans après, septembre 1996 (cela passera pour moi le mois suivant), le grand jour, voyage et hôtel payés (j’ai toujours beaucoup de choses à faire et de gens à voir à Paris). Un hall immense (dont les caméras ne montrent à peu près rien) rempli d’équipements impressionnants. On enregistre les émissions de toute une semaine. Je passerai dans les derniers étant provincial (cela économise des frais d’hôtel à la société organisatrice, je ne sais plus très bien comment). Poudre pour les messieurs (pour éviter les reflets gênants sur la peau… cela ne se fait plus aujourd’hui, on a trouvé d’autres solutions), maquillage plus sophistiqué pour les dames.
Le repas, très bon, est un peu particulier. Deux grandes tables, une, surélevée de près d’un mètre, pour le personnel (nombreux), une, plus basse donc, pour les candidats. Mise en condition ?
Un moment pénible : une candidate manifestement morte de trac, tétanisée, qu’on essaie en vain de mettre à l’aise. Elle participera puis repartira sans avoir donné une seule réponse.
Et donc j’assiste, dans le « public » (qu’on entend sans le voir à la télé) aux premières émissions. C’est longuet. J’occupe le temps en critiquant in petto certaines questions (que fait, dans les « rois de la mythologie grecque », Crésus, personnage historique et pas grec ?).
Le grand manitou Julien Le Pers a une présence impressionnante. Il se montre plus expansif et déluré que ce qu’on voit sur petit écran. Il se lance dans de grandioses imitations de certains collègues et concurrents, ose une allusion très vache à un scandale récent d’Interville truqué. Je n’ai pas encore compris que chez lui aussi il y a (au moins) un trucage.
Et puis enfin, mon tour. Bref entretien avec Julien. On me dira par la suite, au vu de l’émission, qu’il a été rude avec moi, qu’il a tenté de me déstabiliser. Je ne m’en suis pas rendu compte. L’Asperger a parfois aussi de ces bons côtés.
Le jeu commence. Ma voisine Clémentine me souffle gentiment : « Vous verrez, ça passe très vite ». C’est qu’elle vient de remporter haut la main la session précédente, donc elle repasse. Elle prépare une agrégation d’histoire. Elle est redoutable, je n’en mène pas large. C’est quand même plus long que l’émission, car il y a bien des interruptions. Beaucoup de questions sont annulées. Nous pouvons encore échanger nos impressions entre concurrents. Surprise, cette fois Clémentine est éliminée la première. Je n’ai pas encore compris. Nous voici trois. Ayant fini premier la première partie (« cathèdre », « yearling », etc.) je peux choisir mon sujet pour le questionnaire individuel. « Le péché » me convient très bien. Je dis quand même « sans conviction » par coquetterie. Je trouve facilement « confession », « péché originel », « véniel », et voici, premier bug, que ma mémoire, une absence, me refuse l’« absolution ». Trois points, cela ne suffit pas toujours. Qu’à cela ne tienne, un concurrent, fort sympathique lui aussi par ailleurs, donne « chalutage » pour « chalutier » et coule.
Reste le face-à-face, l’« explication » avec Colette. Cela commence bien. Quelques questions plus tard il ne me reste plus qu’à ferrer un « requin » pour emporter la mise. S’il y a un domaine que je ne crains pas, c’est bien la zoologie, et il y a tout ce qu’il faut sur un plateau, c’est le mot. Voici qu’une absence ou je ne sais quelle aberration casse tout. Qu’est-ce qui me prend de lancer « espadon » ?? Il ne me reste bientôt plus qu’à me montrer bon perdant, à faire la bise rituelle à Colette, à remercier pour les cadeaux, et cetera.
J’ai quand même fini par comprendre. J’avais déjà remarqué, depuis des années, qu’au cours d’une même émission les deux candidats et les deux candidates peuvent être tous brillants, ou tous quelconques. Il faut du suspens, donc que les participants d’une même émission soient à peu près du même niveau, bon ou mauvais, et ni eux ni le public ne le savent.
Il m’était possible de retenter ma chance deux ans après, et cette fois de lever sérieusement le pied, surtout lors de la deuxième série de quarante questions (libre à vous de suivre le conseil). Mais j’étais, je suis toujours, un peu dégouté un quart de siècle après. Bien sûr, il n’y a pas mort d’homme. Bien sûr, il y a autrement plus grave sur cette fichue planète, et même à la télévision. Mais enfin la performance d’érudition en vaut bien d’autres, et la galvauder ainsi n’est pas honnête.
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