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Le communisme est-il soluble dans l'alcool ? (A et P Meyer)

Il date de 1978, soit une époque où le "bloc soviétique" était bien vivant, semblait même gagner du terrain, sous Leonid Ilitch Brejnev.

 

La dédicace donne le ton :

 

A la mémoire des regrettables Vladimir I. Lénine et Joseph V. Staline.

A leurs continuateurs.

A la foule anonyme de tous leurs collaborateurs dont l'Histoire ingrate ne gardera pas la mémoire, et plus particulièment à la maîtresse d'école qui nota 3/20 le devoir sans faute d'un élève, parce que son père, Victor Krassine, venait d'être condamné pour parasitisme social. (p9)

 

Un historique rappelle d'abord que ces histoires ne sont la spécificité d'aucun régime.

 

On brocardait le général de Gaulle sur ses tics d'expression vocaux ou gestuels, on racontait qu'il se faisait conduire nuitamment au lac du Bois de Boulogne par son Premier Ministre pour essayer de marcher sur les eaux, on prétendait qu'il ne pouvait pas demander l'heure à Michel Debré sans que celui-ci réponde : "Mon général, il est l'heure que vous voudrez." (p15)

 

Mais aussi, que les régimes communistes en ont beaucoup plus produit. Et elles ont évolué dans le temps.

 

A partir de 1936, les anecdotes se raréfient dans la proportion où les procès et les  purges augmentent. Elles se raccourcissent, pour pouvoir être transmises sans attirer l'attention, et deviennent aussi suggestives et ambivalentes que possible pour ne pas donner prise à la sollicitude des policiers et des juges. C'est ainsi qu'au plus fort des purges de 1937, on disait : "Ce qui fait de l'Union Soviétique un pays à part, c'est qu'on n'a jamais le temps de s'y ennuyer." (p17)

 

Après la chute de Nikita Sergheïevitch [Khrouchtchev], les anecdotes cessent pratiquement pendant un an sinon de couler, au moins de se renouveler. La troïka Brejnev-Kossyguine-Podgorny est-elle du lard ou du cochon ? Si Kossyguine rassure, Brejnev inquiète, et l'incertitude sur un possible retour du stalinisme est présente à tous les esprits. A la fin de 1965, l'anecdote refleurit. Le désespoir s'y est mis à son compte et a abandonné la politesse. Les histoires deviennent méchantes, souvent même haineuses, et presque toutes dirigées contre le secrétaire général du Parti, Leonid Ilitch Brejnev. (p21)

 

Sur le décalage entre discours officiel euphorique et réalité :

 

- Comment, dans un pays socialiste, avoir un réfrigérateur toujours plein, quelles que soient les récoltes, quels que soient les arrivages, quelle que soit la longueur des queues devant les magasins ?

- Il suffit de le brancher sur la radio. (p68)

 

La Yougoslavie est un cas particulier, c'est surtout l'incompétence économique du régime qui est pointée :

 

- Que se passerait-il si la Yougoslavie  parvenait à établir le socialisme autogestionnaire au Sahara ?

- C'est simple, le Sahara commencerait à importer du sable... (p76)

 

Sur le discours officiel :

 

- Quel est l'objectif principal de l'Union Soviétique et des pays frères ?

- Dépasser le capitalisme.

- Quelle est la situation actuelle du capitalisme ?

- Il court à sa perte.

 

Pourquoi les Russes sont-ils venus en Tchécoslovaquie ?

Ils sont venus parce qu'on les a appelés.

Et jusqu'à quand vont-ils rester ?

Jusqu'à ce qu'ils aient trouvé ceux qui les ont appelés. (p100)

 

Staline a perdu sa pipe. La moitié du Politburo la cherche sans succès. Du coup, Staline appelle Beria [patron du NKVD] et lui ordonne de mettre tout son monde en état d'alerte. Deux heures plus tard, en ouvrant un tiroir, le petit père des peuples retrouve sa bouffarde. Il appelle Beria et lui dit qu'il peut faire cesser les recherches. Beria lui répond que justement il allait l'appeler car les 200 suspects arrêtés par ses soins venaient d'avouer avoir volé la pipe de Staline. (p116)

 

Le tout entremêlé de citations du discours officiel :

 

"Des informations commencent à nous parvenir montrant que l'opinion publique des Etats-Unis exige la révision de la constitution américaine, tant elle fait pâle figure à côté de la loi fondamentale de l'URSS." (La Pravda, in Le Monde, 31 août 1977). (p88)

 

"Le pouvoir des soviets a résolu le problème de la méfiance des masses envers tout ce qui vient de l'Etat." (Leonid Brejnev, discours au Soviet Suprême, 4 octobre 1977, Le Monde, 5 octobre 1977). (p41)

 

D'après la version de poche, Editions du Seuil, 1978.



01/06/2012
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