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La passion de la méchanceté (Michel Onfray)

L'auteur s'attaque à ce qu'il appelle une "énigme", la "bonne réputation" de Sade, laquelle constitue indéniablement une monstruosité intellectuelle. (p32). C'est aussi un cas hallucinant de désinformation, par des gens qui ont longtemps occupé le haut du pavé intellectuel en France.

 

Si vous en doutez, sachez que Donatien Alphonse François de Sade a réellement, pas seulement dans ses oeuvres, atrocement torturé, violé, assassiné des femmes, pendant des années. La page wiki vous donnera les détails et les références. 

 

Nous verrons combien le refus de la biographie, de l'histoire, de l'auteur, contribue à une religion textuelle ayant fait de Sade un producteur de textes auquel nombre d'écrivains, de penseurs, de philosophes, d'intellectuels, vouent un culte sans souci des conditions de productions historique de ce texte. De la même manière que les croyants refusent et récusent l'exégèse historique, les dévots de leur "divin marquis" veulent ignorer le contexte de leur texte sacré. (p55)

 

Guillaume Appolinaire a lancé la mode, suivi des surréalistes. 

 

Pour Breton : Sade figure dans la galerie des Glaces des précurseurs du château surréaliste ; il incarne dans sa vie, et ce jusqu'à la mort, la liberté des moeurs ; il inaugure la figure inédite de la femme qui donne à l'homme sa plus haute chance ; il brille en compagnon de route de l'amour courtois (on rêve...)... (p103)

 

Poursuivant sa glose textuelle au mépris de l'histoire, le chartiste Georges Bataille affirme : "Le langage de Sade nous éloigne de la violence". Nouveau stade dans le déni de l'histoire ! Le texte qui célèbre dix fois par page la jouissance dans le crime, la volupté dans le meurtre, la jubilation dans l'assassinat nous éloigne de la violence... Par quelle étrange opération du Saint-Esprit ? (p117)

 

Lacan occupe une place particulière, étant aussi épinglé pour l'ensemble de son oeuvre :

 

Précisons qu'un ouvrage intitulé 798 néologisme de Jacques Lacan confirme la thèse qu'un auteur qui invente autant de mots se propose moins de communiquer avec son lecteur que d'en faire un disciple soumis auquel on demande avant toute chose d'apprendre sa langue. (p140)

 

 

Lacan, donc estime que "Sade n'anticipe pas Freud", que c'est "une sottise". Sauf qu'il se contredit quelques lignes après : 

 

Lacan affirme que Sade déblaie le terrain : il "prépare la science en rectifiant l'éthique", ce qui signifie qu'il inaugure un cheminement de cent ans permettant "que la voie de Freud soit pratiquable". Si préparer la route, ouvrir la voie, rendre possible ne signifie pas anticiper, il faut le démontrer... Car, pour Lacan, Freud sans Sade est inimaginable. (p141)

 

Onfray signale aussi les auteurs connus, Jules Michelet, Jules Janin, Albert Camus, qui ont vu en Sade ce qu'il était : un monstre de cruauté. Il en profite pour faire l'éloge de l'un d'entre eux, et livrer sa doctrine à lui :

 

Cette aurore véritable dispose de son philosophe : il a pour nom Charles Fourier, l'auteur d'un magnifique Nouvel ordre amoureux, un anti-Cent Vingt Journées de Sodome radical. Fourier légitime toute sexualité, y compris sadique ou masochiste, pourvu qu'elle soit voulue, consentie, contractuelle. Avec Fourier on sort enfin vraiment du christianisme en matière de sexualité.

 

Autrement, 2014, ici d'après l'édition poche.



16/06/2025
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