Débuts du voile islamique
Repris depuis le site Daruc, les pages perso Orange étant vouées à disparaitre... disons qu'il peut s'intégrer dans un livre non encore publié.
Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de resserrer sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées. Allah est Pardonneur et Miséricordieux... (Coran 33:59, traduction Hamidullah).
Et dis aux croyantes qu'elles baissent leurs regards, et qu'elles gardent leur chasteté, et qu'elles ne montrent de leur parures que ce qui en parait, et qu'elles rabattent leur voile sur sur leur poitrine ; et qu'elles ne montrent leurs parures qu'à leur mari, ou à leur père, ou au père de leur mari, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs compagnes, ou aux esclaves que leurs mains possèdent, ou aux domestiques mâles qui n'ont pas le désir, ou aux garçons qui n'ont pas encore puissance sur les parties cachées des femmes. Et qu'elles ne fassent pas sonner leurs pieds de façon que l'on sache de leurs parures ce qu'elles cachent. Et repentez-vous tous devant Dieu, ô croyants. Peut-être seriez-vous gagnants? (Coran 24:31, traduction Hamidullah).
Le Coran ne permet pas de dire ce qu'une femme doit couvrir. D'aucuns ont soutenu que c'était la poitrine, voire seulement le sexe (un string suffirait...). Un hadith (récit des actes et paroles du Prophète) préconise un voile ne laissant voir que le visage et les mains :
Un jour, la belle sœur du Prophète, Asma fille d'Abu Bakr rendit visite au Prophète, tout en portant des vêtements fins (riqâq). Alors le prophète dit : Ô Asma, quand une fille est pubère, il lui sied de ne laisser voir d'elle que le visage et les deux mains.
Il vient du compilateur Abou Daoud, et est invoqué par la majorité des théologiens sunnites, chiites et ibadites, pour justifier l'obligation de voilement. Toutefois, il est considéré comme faible (il ne figure pas dans les recueils canoniques comme ceux d'al-Boukhari, Muslim, et sa chaîne de transmission est absente, ou à tout le moins incomplète) ; or dans la jurisprudence musulmane, un hadith faible ne saurait former la base d'une disposition obligatoire. Certains avancent cet argument et d'autres pour remettre en question l'existence d'une prescription du voile. Oui, mais ce même hadith pourrait bien être fallacieux non parce qu'il est trop sévère mais parce qu'il est trop laxiste par rapport au message premier. Car d'autres ahadith (pluriel de "hadith") font assez clairement comprendre qu'à l'origine la femme ne devait pas être reconnue donc il n'était pas question de laisser voir le visage...
Le hadith suivant, qu'on trouve reproduit un peu partout, n'est pas non plus complètement clair sur ce qu'il faut couvrir mais il est clair et éloquent sur un point : ce fut difficile pour les croyantes.
Al Bukhari rapporta qu'Aicha [qu'Allah soit satisfait d'elle], mère des croyants, disait : Qu'Allah ait en sa miséricorde les premières femmes Muhajirs (les femmes émigrées)...
Ce préambule ne peut se comprendre que d'une façon : ces femmes ont supporté quelque chose d'au moins aussi pénible que le jeûne du Ramadan pour espérer par ce biais échapper à l'enfer (peuplé majoritairement de femmes selon un autre hadith connu). Cela pouvait difficilement se borner à couvrir ses cheveux. Continuons :
... quand Allah dit : Qu'elles rabattent leur voile sur leur poitrine elles coupèrent leurs robes pour les rabattre sur leurs poitrines . Dans une version de Al Bukhari aussi : "Elles coupèrent leurs robes à partir des bordures pour en voiler le visage". (pris sur le site islamique http://nysfleurislam.e-monsite.com/pages/le-voile.html).
Autre hadith :
En effet quand fut descendue la Sourate An-Nur (la lumière) dans laquelle se trouve le verset suivant : « Qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines » (Coran 24 verset 31). leurs hommes se rendirent auprès d'elles pour leur réciter ce qu'Allah fit descendre à leur intention de sorte que chacun d'eux se mit à le réciter à sa femme, sa fille, a sœur et à toutes ses proches. Il n'y eut alors aucune femme qui n'eut prit son pagne bourrelé pour se couvrir la tête et le visage par ferme conviction et foi en ce qu'Allah a révélé de par Son Livre. Ce qui leur donnait l'air, lorsqu'elles priaient derrière le Messager d'Allah, de porter des corbeaux noirs sur la tête (Ibn Kathir, Tafsir al-Qur'an al-'Adhim,3/285).
Encore une référence, indirecte, à l'obligation de masquer le visage, dans le récit que fait Aïcha de l'"affaire du collier" (accusation d'adultère contre elle). A un moment, se trouvant seule dans le désert, endormie, elle est découverte par un homme qui la reconnait... parce qu'il l'avait vue avant l'imposition du voile (ou, d'après une autre traduction, parce que le voile n'était pas encore imposé à ce moment) :
(...) Or Safwân Ibn Al-Mu'attal As-Sulamî Adh-Dhakwânî, qui était resté en arrière des troupes, après avoir marché toute la nuit, arriva le matin à l'endroit où j'étais. Apercevant la silhouette d'une personne endormie, il s'approcha de moi et me reconnut quand il me vit, car il m'avait vue avant que le port du voile n'eût été ordonné par le Coran et il dit... (pris sur
http://www.islamopedie.com/biographies/compagnes/aicha.php)
Mais enfin, pourquoi diable devaient-elles éviter d'être reconnues ? D'autres ahadith, tous parfaitement authentifiés selon les normes traditionnelles (sahih), nous l'apprennent. Disons d'abord qu'Omar, futur deuxième calife, s'est vanté d'avoir anticipé la révélation sur le voile, ce dans un cadre bien précis. Pour comprendre, il faut savoir que les maisons de ce temps n'avaient pas de WC.
Ibn Omar rapporte qu'Omar a dit : Mon seigneur s'accorda avec (mon point de vue) en trois occasions. Au sujet de la station d'Abraham, au sujet du port du voile et au sujet des prisonniers de Badr (Sahih Muslim 31:5903).
D'autres récits le confirment et eux aussi disent explicitement que le but était non pas de ne pas être désirable, non pas de se montrer modeste, mais de ne pas être reconnue.
Aïcha a rapporté qu'Omar bin Al-Khattab disait souvent à l'Apôtre d'Allah : "(Fais) que tes femmes se couvrent". Mais il ne faisait pas ainsi. Les femmes du Prophète allaient répondre à l'appel de la nature –seulement la nuit– à Al-Manasi. Une fois, Saouda, fille de Zam'a sortit– et c'était une grande femme. Omar bin Al-Khattab la vit pendant qu'il était à un rassemblement et dit: "Je t'ai reconnue, O Saouda!". Il ('Omar) parla ainsi comme il était anxieux que vînt quelque ordre divin concernant (le voile des femmes). C'est ainsi qu'Allah révéla le verset de la Couverture. (Al-Hijab; un corps tout entier, sauf les yeux). (Sahih Bukhari 8:74:257).
Aïcha a rapporté que les femmes du Messager d'Allah (paix soit sur lui) allaient, couvertes par la nuit, dans des champs -en plein air (dans la périphérie de Médine) pour se soulager. Omar bin Khattab disait souvent: Messager d'Allah, demande à tes dames de porter voile, mais le Messager d'Allah (paix soit sur lui) ne le fit pas. Ainsi sortit Sauda, fille de Zam'a, femme du Messager d'Allah (paix soit sur lui), durant une des nuits sombres. C'était une dame à haute stature. Omar l'appela, disant: Sauda, nous te reconnaissons. Il fit cela, espérant que des versets concernant le port du voile fussent révélés. Aïcha dit: Allah, l'Exalté et le Glorieux, révéla ensuite les versets concernant le voile. (Sahih Muslim 26:5397).
Omar avait de la suite dans les idées, et il continua sa surveillance après la révélation du voile...
Aïcha a rapporté que Saouda (une femme du Prophète) sortit pour répondre à l'appel de la nature après que l'obligation (pour toutes les musulmanes) de porter un voile fut fixée. C'était une grande et grasse dame, et quiconque la connaissait avant pouvait la reconnaitre. Omar bin Al-Khattab la vit et dit : "O Sauda! Par Allah, tu ne peux te cacher à nous, pense donc à un moyen pour que tu ne sois pas reconnue si tu sors." (...) Alors que l'Apôtre d'Allah était chez moi entrain de prendre son dîner et un os couvert de chair était dans sa main. (Saouda) entra et dit: "O Apôtre d'Allah! Je suis sortie répondre à l'appel de la nature et Omar m'a dit ceci et cela". Allah l'inspira ensuite (le Prophète) et quand l'état d'inspiration était fini et l'os toujours dans sa main qu'il n'avait pas posé, il dit (à Saouda), "Vous (les femmes) avez été autorisées à sortir pour vos besoins." (Sahih Bukhari 6:60:318, confirmé par Sahih Muslim 26:5395).
Le but était donc bien de ne pas être reconnue, même si le Prophète a admis que ce n'était pas toujours possible. On peut aussi bien considérer ce dernier épisode comme une abrogation de l'obligation de se voiler (si tant est que ce fût une obligation formelle au départ, je n'ai vu nulle part de sanction pour les récalcitrantes).
Alors pourquoi cette exigence d'un voile qui ne cacherait que les cheveux ? Peut-être simplement un compromis arbitraire quand il n'a plus été possible d'imposer le voile intégral (les femmes kurdes, puis les femmes kabyles, l'ont refusé dès le premier siècle de l'Hégire). Depuis, d'autres considérations se sont glissées.
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