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La Bible dévoilée (Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman)

L'ouvrage confronte, dans l'ordre chronologique, les assertions de la Bible et les données de l'archéologie.

Ainsi, la combinaison de chameaux, de produits en provenance de l'Arabie, de Philistins, de la cité de Gérar - et d'autres lieux ou peuplades mentionnées dans les histoires patriarcales de la Genèse - se révèle hautement significative. Ces indices démontrent que ces textes furent écrits de nombreux siècles après l'époque à laquelle la Bible situe la vie des patriarches. Ces anachronismes, et bien d'autres, indiquent que les VIIIème et VIIème siècles av. JC ont été une période particulièrement active de composition des récits des patriarches. (p53)

Sur la fameuse (et sanglante) conquête du pays par Josué :

Les souverains de ces quatre cités - Haçor, Aphek, Lakish et Megiddo - sont nommés parmi les rois vaincus par les Israélites commandés par Josué. Or, l'archéologie démontre que la destruction de ces villes s'est déroulée à plus d'un siècle d'intervalle. Les raisons possibles incluent l'invasion, des troubles sociaux, ou la guerre civile. (p111)

Cette accumulation progressive de contes et de légendes - et leur incorporation finale dans une chanson de geste unique et cohérente porteuse d'un message théologique précis - fut le résultat de cette période d'intense créativité et de grande production littéraire qui caractérisa le royaume de Juda pendant le VIIème siècle av JC. L'indice le plus probant que le livre de Josué fut bien écrit à cette époque nous est fourni par la liste des villes appartenant au territoire de la tribu de Juda (Josué 15, 21-62). Cette liste correspond exactement aux frontières du royaume de Juda sous le règne de Josias. (p113)

Et donc il se confirme (voir Richard Friedman, Qui a écrit la Bible ? sur ce même blog) que l'essentiel de l'"histoire deutéronomique" (Deutéronome, Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois) a été rédigé au temps et à la gloire de Josias. Avec une affirmation idéologique lourdement martelée : quand le royaume juif se conforme au supposé Judaïsme d'origine il est prospère et victorieux, quand il s'en écarte c'est la catastrophe. L'ouvrage, se fondant sur l'archéologie, va montrer que c'est à peu près le contraire. Ce sont les raidissements idéologiques autour de la loi de Moïse qui ont apporté des catastrophes...

D'abord, le prestige et la gloire du royaume de David et Salomon se révèlent très surfaits :

Pourtant, nombre de piliers archéologiques, qui soutenaient l'édifice historique des règnes de David et de Salomon, ont été récemment quelque peu ébranlés. L'étendue réelle de l'"empire" davidique a fait l'objet de brûlante controverses. Les fouilles entreprises à Jérusalem n'ont apporté aucune preuve de la grandeur de la cité à l'époque de David et de Salomon. Quant aux édifices monumentaux attribués jadis à Salomon, les rapporter à d'autres rois parait aujourd'hui plus raisonnable. (p150)

A l'inverse, le royaume du nord, issu de la sécession qui a selon la Bible suivi la mort de Salomon, et exécré par l'auteur deutéronomique, mérite plus de considération... et qu'on lui rende les réalisations monumentales attribuées à tort à l'introuvable Salomon.

Si les auteurs et les éditeurs de la Bible avaient été des historiens au sens moderne du terme, peut-être auraient-ils décrit Achab comme un puissant souverain, le premier à avoir permis au royaume d'Israël d'accéder à une place éminente sur la scène internationale ; peut-être auraient-ils présenté son mariage avec la fille du roi phénicien Ittabaal comme un choix d'une grande finesse diplomatique ; peut-être auraient-ils décrit en termes élogieux les magnifiques cités construites par les Omrides comme centres administratifs de leur royaume en pleine expansion. (p200)

Episode suivant, la révolte d'Ezéchias contre l'Assyrie. D'après 2 Rois 19, le pieux et loué Ezéchias a osé défier l'Assyrie, et une intervention divine l'a sauvé en massacrant l'armée d'invasion. La réalité, appuyée à la fois sur la version assyrienne de l'affaire et sur les résultats de fouilles, est très différente. Si Sennachérib a finalement renoncé à prendre Jérusalem il a quand même largement atteint ses objectifs, et le royaume juif a payé le prix fort.

La seule foi en YHWH ne suffit pas à sauver le territoire d'Ezéchias de la colère vengeresse des Assyriens. De larges portions de Juda furent dévastées et les meilleures terres agricoles de la Shefelah furent données par les vainqueurs aux cités-états de Philistie. Juda vit son territoire dramatiquement amputé ; Ezéchias dut verser un lourd tribut à l'Assyrie, et un grand nombre de Judéens furent déportés en Assyrie. Seules Jérusalem et les collines du sud de la capitale furent épargnées. En dépit des belles paroles de la Bible sur la piété d'Ezéchias et l'intervention salvatrice de YHWH, la victoire appartenait à l'Assyrie... (p300)

Son successeur Manassé, bête très noire de l'auteur deutéronomiste, aurait plutôt rétabli la situation dans la mesure du possible.

La campagne de Nabuchodonosor aboutissant à la prise et la destruction de Jérusalem est largement confirmée par l'archéologie. Or c'est la suite de la politique de Josias, inspirée par une idéologie intégriste voire totalitaire, et finalement aussi téméraire et inconséquente que celle d'Ezéchias (leurs successeurs à tous deux n'ont pu que lui tourner le dos) :

Un ostracon, adressé probablement au commandant de Lakish par un avant-poste voisin, exprime le sentiment angoissant du désastre imminent :
Et puisse Monseigneur apprendre que nous attendons les signaux de Lakish suivant toutes les instructions que Monseigneur nous a données. Car nous ne voyons plus ceux d'Azéqa...
Ce sombre rapport est confirmé par une description du livre de Jérémie (34, 7), qui note que Lakish et Azéqa furent en effet les dernières villes de Juda à résister à l'assaut des Babyloniens. (p333).

Bayard 2002



22/07/2012
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