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Deux concepts de liberté (et autres d'Isaiah Berlin)

Isaïah Berlin (1909-1997) est surtout connu en Grande-Bretagne (il a été un temps président de la British Academy). Je connais le texte dont il est question ici par Ibn Warraq, L’Islam dans le terrorisme islamique, lequel l'utilise dans un but bien précis : montrer la dynamique propre aux idées et idéologies, indépendamment des motivations de ceux qui les mettent en oeuvre (donc ce que j'ai moi-même ébauché dans Les virus de la pensée, inédit).

 

Il n’y a peut-être pas eu de moment, dans l’histoire contemporaine, où autant d’êtres humains, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, ont eu leurs conceptions, et bien sûr leurs vies, aussi profondément changées, et dans certains cas violemment bouleversées, par des doctrines, sociales et politiques, fanatiquement soutenues. Dangereuses, parce que quand les idées sont négligées par ceux qui devraient s’en occuper – autrement dit, ceux qui ont appris à traiter les idées avec un regard critique – elles acquièrent parfois un élan incontrôlé et un pouvoir irrésistible sur des multitudes de gens qui peuvent devenir trop violents pour être sensible à la critique rationnelle… Si des intellectuels peuvent réellement exercer ce pouvoir fatal, ne peut-on penser que seuls d’autres intellectuels, ou au moins d’autres penseurs (et pas le gouvernement ou les comités du Congrès), peuvent les contrer ?

 

C’est seulement un matérialisme historique très vulgaire qui dénie le pouvoir des idées, et prétend que les idéaux ne sont que des intérêts matériels déguisés. Il se peut que, sans la pression des forces sociales, les idées politiques avortent : ce qui est certain est que ces forces, à moins qu’elles s’appuient sur des idées, restent aveugles et non dirigées (Deux concepts de liberté, 1958).

 

Quant aux horreurs perpétrées par Lénine, Staline, Hitler, Mao, Pol Pot, elles étaient, selon lui, "non pas causées par les sentiments négatifs humains ordinaires, comme Spinoza les appelait – la peur, l’avidité, la haine tribale, la jalousie, la soif du pouvoir – même si bien sûr ceux-là ont joué leur rôle" mais "par une idée particulière. Il est paradoxal que Karl Marx, qui a minimisé l’importance des idées par rapport aux forces sociales et économiques impersonnelles, ait, par ses écrits, causé la transformation du vingtième siècle, à la fois vers ce qu’il voulait, et, par réaction, contre... (...) Il y a des hommes qui tueront et mutileront avec la conscience tranquille, sous l’influence de mots et d’écrits d’autres hommes, certains que la perfection peut être atteinte" (discours de 1994).



13/05/2019
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