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La dernière tentation du Christ (Nikos Kazantzakis)

La sortie du film de Scorcese inspiré par ce livre a coïncidé avec l'affaire dite des Versets sataniques et a suscité l'ébauche d'une coalition anti-blasphème islamo-chrétienne. Pourtant, si le roman de Rushdie (voir article sur ce même blog) est bien anti-musulman, attaque au coeur la foi musulmane, celui de Kazantzakis est on ne peut plus chrétien, juste imaginatif comme un bon roman doit l'être. Son Jésus est sacrément émouvant, y compris et surtout quand il s'écarte un tant soit peu du texte évangélique.

Sa philosophie (quatrième de couverture de l'édition Presse Pocket) :

 

La dualité du Christ a toujours été pour moi un mystère insondable ; quel est cet ardent désir de l'homme d'atteindre Dieu, ou plutôt de retourner à Dieu ?

On a vu plus anti-chrétien...

Extrait :

 

"Mon Dieu, supplia en lui-même Jésus, Mon Dieu, donne-moi du temps... Je ne te demande plus que cela : donne-moi du temps..." Il sentait encore en lui trop de boue, trop d'humain. Il se mettait encore en colère, il avait peur, il était jaloux. Et quand il pensait à Madeleine son regard se troublait.

Tout se passe en gros comme dans l'Evangile, jusqu'à la crucifixion. Là, le malheureux a une hallucination étrange, un ange vient lui révéler que c'était un rêve, qu'il n'a pas été supplicié, que des années de bonheur l'attendent.

- C'était un rêve. Tu as vécu toute ta Passion dans un rêve. Tu es monté sur la croix, tu as été cloué dans ton rêve, cinq plaies se sont ouvertes dans tes mains, dans tes pieds et dans ton coeur avec une telle force qu'à présent encore, regarde, le sang coule...

Et Jésus, peu à peu, se laisse entrainer :

- Mon ange gardien, mon fils, lui dit-il, à mesure que tu parles ma chair s'allège, la croix devient l'ombre d'une croix, les clous des ombres de clous et la crucifixion vogue dans le ciel au-dessus de ma tête, comme un nuage...
- Partons, dit l'ange, qui se mit à voler au-dessus de l'herbe fleurie. De grandes joies t'attendent, Jésus de Nazareth. Dieu m'a laissé libre de te faire goûter à toutes les joies que tu as convoitées secrètement pendant la vie, bien-aimé...

Et de fait, il va vivre heureux, pendant des années, avoir des enfants. Sauf qu'un jour un trouble-fête, qui n'est autre que Judas, l'apostrophe soudain :

- Que viens-tu faire ici ? Pourquoi n'as-tu pas été crucifié ? Lâche, déserteur, traître ! C'est là tout ce que tu as fait ? Tu n'as pas honte ? Je lève le poing et je te demande : Pourquoi, pourquoi n'as-tu pas été crucifié ?

Cela dure un bon moment, et puis l'illusion se dissipe :

Il secoua la tête et brusquement il se rappela où il se trouvait, qui il était et pourquoi il souffrait. Une joie sauvage et indomptable s'empara de lui. Non, non, il n'était pas lâche, déserteur et traître. Non, il était cloué sur la croix, il avait été loyal jusqu'au bout, il avait tenu parole. L'espace d'un éclair, à l'instant où il avait crié ELI Eli et où il s'était évanoui, la Tentation s'était emparée de lui et l'avait égaré. (...) Ses disciples vivent et prospèrent, ils ont pris le chemin de la terre et annoncent la Bonne Nouvelle. Tout s'est passé comme il fallait, loué soit Dieu !

Il poussa un cri triomphal : TOUT EST ACCOMPLI ! Et c'était comme s'il disait : Tout commence.



23/07/2009
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