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# Cette mystérieuse affaire Iceman

Il m'avait été demandé par un éditeur (qui se reconnaîtra s'il passe par là), à une époque où je désespérait de placer Sauvages et velus, et donc il en a récupéré une partie de la matière. Mais c'est Sauvages et velus qui a été publié, et a donc légitimement récupéré ce qu'il avait cédé (il faudrait donc adapter celui dont on traite ici s'il trouve éditeur à son tour, et les citations en bleu sont sous réserve). On se référera donc à ce dernier pour la question générale des HSV (Hommes Sauvages et Velus, c'est moi qui ai lancé le sigle, je n'y tiens pas autrement mais il semble adopté par une partie du milieu concerné).

Il s'agit donc de l'affaire Iceman, résumée ici et plus longuement dans Sauvages et velus.

Dans cet ouvrage j'essaie d'aller plus loin, y compris sur le côté humain et les pistes annexes...

Et donc, fin 1968, Bernard Heuvelmans et Ivan Sanderson, le premier étant l'hôte du second dans le New Jersey, ont vent d'un étrange corps congelé promené de foire en foire par un forain qu'ils arrivent à contacter. Extraits :

 

11 décembre. Sanderson retrouve le nom et l'adresse exacte du mystérieux forain, dans le sud-est du Minnesota, et lui envoie un télégramme. Heuvelmans remarque au passage, sans s'y arrêter, que son ami "rédigea le télégramme en termes ambigus de façon à lui laisser croire qu'il désirait le voir pour des raisons professionnelles..."

Ainsi donc, dès la première prise de contact, la relation entre ces trois hommes était marquée par le manque de franchise, voire la manipulation. Ce n'était qu'un début.

 

Ils se font donc admettre, examinent la pièce, arrivent peu à peu à la conclusion qu'elle ne peut être qu'authentique, apparentée aux néandertaliens selon Heuvelmans (avec quelques particularités, une taille un peu plus grande, des pieds très larges dont il ne s'avise pas que ce doit être une adaptation aux marécages), et donc d'une importance capitale. Ils en oublient qu'ils marchent sur des oeufs. Dans la suite :

 

Frank Hansen était resté coopératif, mais l'atmosphère s'était sérieusement dégradée. Cela allait peser lourd, et donc mérite qu'on s'y arrête. A un certain moment, la lumière des néons s'était révélée insuffisante pour les photos. De lui-même, avec beaucoup d'obligeance, le forain avait fourni une lampe de cent watts. Las, l'ampoule brûlante approchée sans précaution de la vitre supérieure glacée avait provoqué un claquement sec, et une fêlure irrémédiable dans le verre du cercueil.

Là nous avons deux versions. Bernard Heuvelmans rapporte que Hansen s'est alors exclamé : "Bon Dieu ! comment vais-je pouvoir expliquer ça !" et note avoir ainsi découvert que le forain devait des comptes à quelqu'un, sa réaction ayant été trop immédiate et spontanée pour être simulée. Première mention d'un autre personnage, qui allait peser très lourd, le "propriétaire". "Mais, ajoute aussitôt Heuvelmans, revenons au specimen lui-même..."

Revenons, nous, à la vitre fêlée. Car il y a aussi une version Hansen, identique quant à la cause de l'incident, mais qui apporte un tout autre éclairage, c'est le mot. Et ce n'est pas insignifiant puisque le pilote est revenu là-dessus, avec une indignation intacte, près de trente ans après, en discutant avec un membre de la Western Bigfoot Society (communication personnelle d'un correspondant américain qui a pu rencontrer Hansen alors en vacances dans le Montana). En bref, non seulement Heuvelmans et Sanderson ne se seraient pas excusés, mais ils se seraient eux-mêmes mis en colère, et l'altercation aurait été sévère ! Et bien que Hansen ait montré par la suite une propension peu commune à raconter tout et son contraire, et même s'il est dans la nature de la situation, et dans la nature humaine, qu'il en rajoute, il doit y avoir du vrai. Cela transparaît aussi d'ailleurs dans le récit d'Heuvelmans, pour peu qu'on le lise attentivement. Manifestement, ce n'est pas seulement la vitre qui s'est trouvée fêlée à ce moment. Hansen a pris conscience qu'il ne maîtrisait pas la situation autant qu'il le croyait et le voulait, alors qu'il était chez lui, alors que rien ne l'avait obligé à recevoir ces deux énergumènes, et alors qu'il risquait très gros.

Et c'est bien à partir de ce moment qu'il s'est mis à évoquer ce fameux propriétaire, à donner même des détails sur lui. Disons-le de suite, ce n'était pas la manifestation d'une plus grande franchise procédant d'une plus grande confiance. Bien au contraire.

 

Je soutiens donc, contre Bernard Heuvelmans et presque tous les autres commentateurs, que la prudence d'Hansen était justifiée. Egalement, que les premières versions fallacieuses qu'il a données (un iceberg, Hong-Kong...) ne faisaient pas de lui un mythomane non crédible, mais quelqu'un qui voulait limiter les risques judiciaires, et notamment pouvoir soutenir qu'il ignorait ce qu'il exhibait. C'était une précaution utile pour le cas où la Justice s'emparerait de l'affaire et où le spécimen serait considéré comme humain. Le refus de Bernard Heuvelmans de prendre cette crainte au sérieux est pour moi un des plus tristes aspects de toute l'affaire.

En suivant les pistes annexes j'ai trouvé ceci :

 

Par une coïncidence remarquable, Heuvelmans et Sanderson, rentrant de chez Hansen, ont été invités en chemin à expertiser une observation de bigfoot, avec empreintes, dans le Wisconsin (et en bordure d'un marécage...). Heuvelmans conclut à la fausseté des traces et réduit globalement l'affaire à "l'observation prétendue d'une sorte de yéti". Que s'était-il passé ?

Un mois environ auparavant, pas moins de douze chasseurs (on connaît certains de leurs noms : Bob Parry, Dick Bleier, Bill Mallo) ont pu observer un bigfoot qui lui aussi les regardait, au bord d'un marécage de la région de Fremont. Ils en étaient assez près pour en donner une description détaillée. Ses traces, dans la neige, ont été photographiées. Ce ne sont pas forcément celles que Bernard Heuvelmans a étudiées plusieurs semaines après. D'autres observations avaient eu lieu depuis dans le même secteur (et une observation authentique peut donner des idées à des faussaires en herbe).

 

C'est d'ailleurs un des éléments qui me font penser que Sanderson était au courant depuis plus longtemps et de plus de choses qu'il ne l'a dit à son ami.

En juillet 1970, Hansen donnait dans le magazine Saga ce que j'estime être la vérité pour l'essentiel. Hansen y raconte (sans l'attester, précaution juridique parfaitement expliquée) avoir tué lui-même le futur Iceman, pour se défendre, dans un marécage gelé du Minnesota. J'exécute au passage les arguments contre cette version donnés par Bernard Heuvelmans (cela est dans Sauvages et velus, et résumé sur la page précitée).

Je n'ai quand même pas été le seul à faire de l'Iceman un bigfoot (qui, soit dit en passant, n'avait pas forcément achevé sa croissance, ses parties génitales semblant immatures, je m'étonne que Bernard Heuvelmans ni personne n'ait jamais envisagé qu'il puisse s'agir plutôt d'un Icekid). Cliff Crook, bigfooter connu de l'état de Washington depuis qu'il a lui-même observé un bigfoot dans un marécage alors qu'il était adolescent, en 1955, soutient la même chose, car son bigfoot et l'Iceman se ressemblent. Par contre Crook ne croit pas au film de Patterson qui n'y ressemble plus. Mais où il y a une espèce inconnue, pourquoi pas deux ? On a depuis longtemps repéré deux types principaux de bigfoot (et quelques atypiques...).

Mais puisque l'origine vietnamienne a eu (a toujours à mon regret) les faveurs, je rappelle en passant qu'on y signale aussi le même genre de bonhommes (mais on en signale en tellement d'endroits...).

 

Dans la nuit du 23 au 24 août 1947 un officier français, Jules Harrois, conduisait une vingtaine de soldats indigènes en direction de Kontum, dans les montagnes. Le silence était de rigueur. "Soudain, écrit le Français, en tête de colonne, un cri ou plutôt un grognement suivi d'un bruit de fuite. Alors les consignes de silence furent réduites à néant. Sedangs, Djarais et Bhanars s'interpellaient ; il n'était pas possible de les faire taire. L'émotion était à son comble, l'émotion et non la crainte..."

Il apprend que les hommes de tête ont dérangé un "homme sauvage". "Pas un animal, pas un singe, bien un homme sauvage". On ne le voit que très rarement, et seulement la nuit. Plus souvent, on l'entend appeler sa femelle ou son mâle. Le groupe se remet en marche, n'ayant pas le temps de rechercher des traces. Au atin, on fait étape chez un missionnaire français, qui confirme l'existence de ces "hommes auvages". Il n'en a pas vu, mais les récits de ses ouailles sont nets (récit de Jules Harrois dans Rizières et djebels", Toulon, 1985).

 

Toutefois, le scénario imaginé par Heuvelmans pour expliquer le transfert du corps est parfaitement rocanbolesque. Mais ce qui a été pour moi décisif, c'est, dans la version Saga, la description par Hansen de sa rencontre des "choses" décrit quelque chose qui ne l'avait jamais été auparavant à ma connaissance, et qui l'a été très souvent depuis (au moins les conséquences, Hansen étant le seul à ce jour à avoir vu la scène elle-même) : l'étripage d'un cerf par des bigfoots. On peut lire l'intégralité de cet article dans http://www.bigfootencounters.com/articles/hansen.htm

Cette habitude d'étriper des cerfs et autres animaux, notamment dans cette même région des Grands Lacs a été décrite par Matt Moneymaker au terme d'une longue enquête qu'il raconte dans http://www.bfro.net/avevid/mjm/deerkills.asp

Il m'a autorisé à le reproduire, et je l'ai donc traduit. Extraits.

 

Quand je rencontrai Mike [un habitant de l'Ohio ayant trouvé un tas de faons massacrés et étripés en relation avec des manifestations de bigfoot] la semaine suivante, il me conduisit aux carcasses de cerfs, encore intactes mais pourrissantes. Il me demanda si les bigfeet attaquent les cerfs. Je lui dis ce que je savais à l'époque. J'avais lu des livres sur la question, rencontré ou correspondu avec des douzaines de bigfooters, mais jamais rien lu ni entendu de tel. Tout ce qu'on avait écrit sur la question répétait en substance les "noix, baies, racines, et charognages opportunistes".

Nulle part il n'était question d'un comportement de prédateur. Franchement, cette idée heurtait violemment ma sensibilité, les bigfeet apparaissant comme d'inoffensifs habitants des bois. Je ne pouvais me les figurer brutalisant à mort Bambi. Je demandai à mon interlocuteur, et par la suite je demandai à quiconque pouvait m'éclairer sur la question, si quelque chose dans la nature où dans les activités humaines pouvait expliquer ce carnage. Les fermiers réduiraient-ils illégalement les troupeaux de cerfs de cette façon - en éventrant les jeunes ? Les braconniers de l'Ohio auraient-ils coutume de s'aventurer si près des maisons, plusieurs jours de suite, et de s'en prendre aux jeunes faons sans andouillers, et d'emporter les carcasses pour les regrouper ailleurs, et de les vider partiellement, mais en laissant le tout pourrir sur place ? Les chiens errants passent-ils pour rassembler leurs victimes en un endroit, puis leur ouvrir le ventre et sortir les entrailles, sans rien manger ? Se pourrait-il que des polluants ou des maladies dans l'environnement poussent seulement les jeunes cerfs à mourir en un même point ? Dans ce cas, comment leurs pattes ont-elles été brisées et quels carnivores peuvent venir fouiller dans les entrailles sans démembrer le corps comme ils le font d'ordinaire ? Les ours font-ils cela ? Les pumas font-ils cela ?

Réponse négative à ces dernières questions. D'autres cas finissent par livrer l'explication : le foie des faons a été à chaque fois prélevé. Cela se passe en automne, comme ce qu'a observé Hansen. Explication de Moneymaker :

Il n'est pas absurde de ne consommer que le foie. Vous ne trouverez pas, dans la flore et la faune naturelle de l'Amérique du nord, plus nourrissant qu'un foie de jeune cerf. De toutes les parties d'un grand animal (les muscles, les intestins, etc.) c'est le foie qui fournit, de loin, le plus intéressant. Le foie est un des plus gros organes internes. (...) D'un point de vue nutritionnel, particulièrement en automne et en hiver, une diète exclusive de foie de cerf pourrait facilement suffire à un être tel qu'un bigfoot jusqu'au printemps. La seule chose encore plus nourrissante serait le foie d'un plus gros ongulé, bison ou élan, mais seulement parce qu'il y a une plus grande quantité. Le foie d'un jeune cerf nourri naturellement contient toutes les vitamines nécessaires, en particulier celles qui manquent en automne et en hiver.

 

Etc. Précision : dans certains cas les os longs étaient brisés, manifestement pour en extraire la moelle. Or, figurez-vous que les néandertaliens des Pradelles (Charente) avaient aussi l'habitude de consommer la moelle des os des faons, et en automne également ! (d'après la forme d'usure des dents des proies).

Hansen aurait rendu le corps au "propriétaire" en 1975, après une crise cardiaque. Il s'est exprimé dans la suite à plusieurs reprises sur l'affaire, en public ou en privé, maintenant l'authenticité et l'origine asiatique (mais il avait prévenu qu'il le ferait s'il n'obtenait pas la garantie d'impunité qu'il demandait). Dans Fortean Times de juillet 1995, il se retranchait derrière la volonté du "propriétaire" qui ne voulait pas apparaître comme "celui qui aura renversé l'histoire de la création dans la Genèse". Hansen est décédé en 2003. D'après mon correspondant du Minnesota Mike Quast, Hansen lui a dit avoir reçu un coup de fil de ce même "propriétaire", lui assurant que le spécimen restait entier, dans les années 1990. Le bruit court depuis que ce mystérieux personnage était l'acteur connu James Stewart (il s'était intéressé au Yéti dans les années 1950 et avait aussi servi dans l'US Air Force, avec le grade de général...).

Il reste du mystère...



18/09/2011
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